Les Centres d’apprentissage libre au Québec : l’exemple d’E.L.A.N.

De nombreuses écoles démocratiques existent dans le monde mais ces établissements ne sont pas (encore !) légaux au Québec. Plus précisément, ils ne peuvent recevoir le nom « d’écoles » s’ils ne s’engagent pas à respecter le curriculum imposé par le ministère de l’éducation. Cette obligation n’est absolument pas compatible avec la philosophie défendue par ces écoles qui considèrent que les enfants doivent être libres de faire des apprentissages selon leurs intérêts, au rythme qui leur convient et de la manière qui les motive (par exemple par le jeu).

L’absence de soutien officiel à ces pratiques pédagogiques alternatives et innovantes est certainement dûe à une méconnaissance du sujet et des études montrant les bénéfices de ces pratiques sur l’apprentissage et l’épanouissement des enfants. Cela pourrait également venir (en partie) d’une certaine paresse intellectuelle qui pousse les décideurs à préférer le statut quo, c’est-à-dire continuer de soutenir des pédagogies vieilles de plusieurs décennies plutôt que de se demander comment on pourrait vraiment améliorer l’éducation au Québec : en la repensant entièrement, en s’inspirant des découvertes récentes en neurosciences et en prenant exemple sur ce qui fonctionne dans d’autres pays voire d’autres provinces (pour rappel les écoles démocratiques sont légales chez nos voisins Ontariens).

Ainsi, quand on à la certitude que le modèle d’école classique proposé au Québec n’est pas adapté à notre enfant, il ne reste aujourd’hui qu’à se tourner vers l’éducation à domicile. Aujourd’hui, plus de 2000 enfants sont officiellement scolarisés à domicile au Québec mais on estime que ce nombre est bien plus grand (près du double) si l’on compte les enfants qui ne sont pas inscrits dans une commission scolaire. Cependant la décision n’est pas toujours facile à prendre. Il faut se rendre disponible pour son enfant, s’engager à lui apporter un environnement riche en découvertes, pouvoir suivre ses intérêts, s’assurer qu’il est bien entouré tant par des enfants de tout âge que des adultes inspirants et qu’ainsi il reste « socialisé ». Cette nouvelle vie a nécessairement d’importantes répercussions sur la vie professionnelle des parents et la stabilité financière du foyer.

 

Heureusement des parents motivés se sont organisés pour résoudre ce problème.

On voit peu à peu se développer des Centres d’apprentissage libre qui permettent aux parents pratiquant l’éducation à domicile de fournir un environnement riche et stimulant à leurs enfants et également de pouvoir travailler puisque leurs enfants sont accueillis toute la journée dans ce lieu.

Plusieurs centres d’apprentissage libre ont ouvert notamment dans la région de Montréal (Centre Communidée, Mont-Libre: Centre d’apprentissage agile de Montréal) et près du Lac Brome (L’Happy place ).

J’aimerais aujourd’hui vous parler du projet E.L.A.N. (Espace Libre d’Apprentissages Naturels) qui se développe dans la région de Bromont/Sutton/Cowansville. Si vous êtes intéressé par ce projet, je vous invite à visiter leur page Facebook.

Il s’agit d’un projet de Centre libre d’apprentissage crée par un collectif de parents qui se mobilisent pour offrir un lieu permettant une éducation libre, des apprentissages naturels, initiés par l’enfant. Leur centre libre d’apprentissage est inspiré du modèle de la Sudbury Valley School (voir cet article).

Les parents utilisateurs du Centre sont officiellement responsables de l’éducation de leurs enfants et doivent donc se soumettre aux contraintes et règlementations imposées par les commissions scolaires (par exemple préparer des porte-folios).

Le Centre est un lieu où les enfants viennent faire des découvertes et apprendre librement selon leurs centres d’intérêt, dans un climat de bienveillance.  Les principes fondamentaux d’E.L.A.N. sont la mixité des âges, l’auto-apprentissage accompagné, le jeu libre et la vie sociocratique.

Les enfants ou « apprenautes » de 5 à 17 ans y seront accueillis du lundi au vendredi, toute l’année à l’exception de 2 semaines durant les fêtes. Bien que le Centre soit ouvert à l’année, les enfants peuvent évidemment s’absenter pour des vacances en famille pendant autant de temps que désiré et ceci sans contrainte de respecter une quelconque période de vacances scolaires. Durant l’été, les enfants pourront donc continuer leurs découvertes et explorations si riches durant la période estivale sans devoir être redirigés vers un camp d’été. Il est d’ailleurs question d’ouvrir un volet camp de jour pour les jeunes de l’extérieur qui auront ainsi l’occasion de vivre l’expérience des apprentissages autonomes dans une atmosphère bienveillante.

Il y aura 25 apprenautes la première année puis l’effectif devrait augmenter d’année en année selon la demande et le financement. Des adultes référents employés du centre seront présents quotidiennement et auront un rôle de facilitateur pour accompagner les enfants dans leurs découvertes. Un facilitateur n’est pas un professeur mais un référant auquel l’enfant peut demander de l’aide ou un accompagnement particulier sur un sujet qui le passionne. L’idée est ici d’aider les enfants dans leurs apprentissages en s’adaptant à leurs demandes et à leurs besoins et non pas de délivrer un enseignement magistral. Les enfants y seront libres de vaquer à leurs occupations (jeu, musique, lecture, jardinage, ébénisterie, informatique, sport, etc) tant qu’ils respectent les règles de vie commune qui seront décidés par le conseil E.L.A.N. Ce conseil E.L.A.N. réunira tous les facilitateurs et tous les apprenautes. Le mode de gouvernance reposera sur la sociocratie et les décisions se prendront par consentement. Il s’agit d’un processus de décision qui vise à évaluer les arguments « pour » et « contre » une proposition. L’idée est de travailler en groupe de manière constructive (et imaginative) afin d’éliminer tous les « contres » permettant ainsi à la proposition d’être adoptée. Les facilitateurs seront tous formés à la sociocratie en amont et les enfants y seront également formés par la pratique lors des conseils.

Les enfants pourront ainsi décider des apprentissages qu’ils souhaitent faire chaque jour. Ils pourront solliciter les adultes (facilitateurs et bénévoles) ou les autres enfants pour atteindre leurs objectifs.

Les parents devront s’engager à fournir au moins 20 heures de bénévolat par an mais ils sont incités à s’impliquer davantage s’ils ont des compétences qu’ils souhaitent mettre au profit de la communauté d’E.L.A.N. Il s’agira donc d’un lieu d’apprentissage et de vie ouvert sur la communauté et encourageant les échanges multi-générationnels. Ainsi les ainés de la communauté intéressés seront invités à transmettre leurs compétences et savoir-faire aux plus jeunes.

Les frais de scolarité seront fixés à 15$ par jour par enfant (13.5 $ à partir du 2ème enfant). Il est question, si la demande des parents est assez forte, que le projet propose un espace de co-working pour les parents travailleurs autonomes qui veulent éviter de faire trop d’aller-retours.

 

Quelle belle idée !

Je ne peux qu’encourager ce projet de tout mon cœur. Il est porté par une équipe très motivée et organisée. Les parents à l’origine du projet sont prêts à s’y engager, pour certains à temps plein.

Il ne reste plus qu’à trouver le lieu qui abritera ce petit paradis pour enfants. L’équipe d’E.L.A.N. recherche activement à louer une maison avec un terrain assez grand pour accueillir ce beau projet, idéalement dans la région de Bromont qui est située de manière centrale par rapport aux familles déjà intéressées par le projet.

Je relaie ici leur appel, si vous connaissez un lieu qui pourrait être loué pour E.L.A.N., n’hésitez pas à  contacter Kathleen Bourdeau par courriel (kathbourdeau@hotmail.com).

Il s’agit d’une formidable opportunité de démontrer que les enfants, s’ils sont baignés dans un environnement bienveillant, reposant sur la confiance en leurs compétences et leurs capacités innées d’apprentissage, peuvent devenir des êtres épanouis, autonomes, sûrs d’eux, prêts à prendre leur vie en main.

Une réunion d’information et de pré-inscription a eu lieu à Cowansville le 7 mai dernier. La salle était pleine. Les parents ont semblé conquis par le projet.

À l’issue de cette réunion, j’ai pu poser quelques questions à Anne Mergault, une des cofondatrices du projet. Je vous livre notre entretien dans cet article.

 

« Plus le maitre enseigne, moins l’élève apprend » : quand la science donne raison à Confucius…

Avez-vous déjà ressenti cette impression de perdre votre temps en étant assis à écouter un professeur réciter une leçon abstraite et qui vous semble sans intérêt car tout à fait étrangère à vos préoccupations du moment ?

Vous êtes bien chanceux si tel n’est pas le cas.

Malheureusement, il semble que le monde ait accepté cet ennui profond comme un passage obligé, un rite initiatique.

On se fait dire : « Moi aussi je me suis ennuyé à l’école. C’est normal, tu verras plus tard quand tu pourras choisir tes matières et voir le lien avec ton futur métier, tu trouveras l’école beaucoup plus intéressante. Il faut être patient, pour l’instant tu apprends les fondamentaux, ce fameux socle commun. Alors tais-toi et écoute ! ».

Mais en réalité, on fait fausse route !

Les recherches en neurosciences nous ont montré à maintes reprises, qu’il n’existe aucune raison de repousser indéfiniment le moment où l’enfant va enfin prendre en main son éducation, arrêter d’écouter passivement un professeur mais vraiment devenir acteur de son apprentissage.

Pire, il a été montré que les cours magistraux peuvent avoir des effets néfastes sur l’apprentissage à long terme.

On s’est tout simplement trompé de façon d’apprendre !

Aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent pour passer des modes éducatifs basés sur la tradition à des pédagogies basées sur les preuves scientifiques.

L’échec de la pédagogie magistrale peut être démontré dès le plus jeune âge. Pour étudier la question, des chercheurs (voir article 1) ont mené une expérience visant à évaluer l’effet du mode d’enseignement (plus ou moins magistral) sur la curiosité et les découvertes des enfants. Ils ont créé un jouet complexe, ayant 4 propriétés cachées (faire du bruit, s’illuminer, jouer de la musique, présenter une image en miroir; voir image ci-dessous) .

Afin de voir l’impact du type d’enseignement sur la curiosité des enfants, les chercheurs ont divisé les enfants en 4 groupes, chacun recevant un type de présentation différente. Ces différentes présentations (pédagogie magistrale, condition interrompue, apprentissage accidentel et sans démonstration) sont présentées ci-dessous.

Cette condition représente donc les situations classiques d’enseignement  que l’on rencontre à l’école avec un « sachant » qui va expliquer un domaine dont il est « expert ».

Dans cette condition, l’enseignante commence donc par une pédagogie magistrale (en présentant une seule propriété), mais comme elle n’a pas l’occasion de finir sa démonstration, les enfants peuvent supposer qu’elle n’a pas tout dit sur le sujet et qu’il reste des choses à découvrir.

Dans cette troisième condition, l’enfant n’est pas mis dans une position d’enseignement. Il s’agit plutôt d’une interaction autour d’un objet « trouvé » qui n’appartient pas à l’enseignante et pour lequel elle n’a pas d’expertise particulière. Elle leur montre donc une seule propriété découverte par hasard.

Dans cette quatrième condition, comme dans la précédente, l’enfant n’est pas mis dans « une situation d’enseignement » mais ici aucune des propriétés du jouet ne lui est présentée. Il doit donc faire ses découvertes entièrement par lui-même.

Dans les 4 cas, l’enseignante encourageait ensuite l’enfant à découvrir comment l’objet fonctionne et le laissait explorer le jouet pendant autant de temps qu’il le souhaitait.

Les chercheurs ont alors chronométré le temps passé par les enfants à explorer le jouet, signe de la curiosité et de l’intérêt des enfants pour celui-ci. Ils ont également compté le nombre d’actions réalisées avec le jouet ainsi que le nombre de propriétés découvertes (par exemple, s’ils ont réussi à découvrir comment la musique se mettait en route). Plus ces valeurs sont grandes, plus on considère que l’enfant a fait preuve de curiosité et à essayer de découvrir par lui-même le fonctionnement du jouet.

Figure A

La barre rouge indique que les enfants mis dans la situation « pédagogie magistrale» ou «expert/apprenant» ont moins joué avec le jouet que les autres enfants.

Figure B

La barre rouge indique que les enfants mis dans la situation« pédagogie magistrale» ou «expert/apprenant» ont découvert moins de fonctions que les autres enfants.

Les résultats montrent que les enfants qui sont dans la condition « pédagogie magistrale» ou « expert/apprenant» ont passé moins de temps à explorer le jouet, ont réalisé moins d’actions avec ce jouet (figure A) et ont découvert moins de fonctions (figure B)  que les enfants des 3 autres groupes. En fait, ils ont passé plus de temps à explorer la fonction qui avait été montrée par l’enseignante. Les enfants des trois autres conditions, qui n’ont pas reçu d’enseignement magistral, ont exploré le jouet de manière similaire. Ils ont fait preuve de davantage de curiosité et ont découvert au moins une nouvelle propriété.

Ces résultats suggèrent que l’enseignement de type démonstratif réduit l’exploration et les découvertes des enfants même s’ils sont encouragés à explorer d’autres fonctions.

Les enfants qui n’auront reçu aucune démonstration ou une démonstration partielle vont explorer davantage le jouet et en découvrir ses propriétés.

Cela fait réfléchir n’est-ce- pas ?

Les auteurs, grâce à une expérience complémentaire ont réussi à montrer qu’en fait, lorsque les enfants reçoivent un enseignement d’une enseignante qu’ils perçoivent comme compétente, ils vont se contenter de ce qui aura été montré par l’enseignante sans chercher à découvrir de nouvelles choses. Leur curiosité n’est pas attisée. En revanche si l’enseignante semble ne pas avoir montré toutes ses connaissances (soit par oubli soit par une interruption) les enfants le perçoivent et vont davantage explorer l’objet présenté afin de parfaire leurs découvertes.

Les enfants font donc attention à la nature et la qualité de ce qui enseigné. Les meilleurs résultats sont obtenus non pas quand l’enseignant enseigne de manière exhaustive un sujet mais lorsqu’il n’a pas tout expliqué et que les enfants peuvent découvrir des choses nouvelles.

L’enseignement trop explicite ou trop magistral peut tuer la curiosité.

Mais ce qui est vrai chez l’enfant d’âge préscolaire, peut-il être généralisable chez les jeunes étudiants ?

Une méta-analyse regroupant plus de 200 études (voir article 2) a montré que les étudiants qui sont exposés à des méthodes éducatives actives (ateliers, séance de travail en sous-groupes, travaux pratiques) ont très significativement de meilleures performances et leur taux de réussite aux examens finaux est augmenté de 45 % par rapport aux étudiants qui ne suivent que des cours magistraux. Cet effet de l’apprentissage actif est tel, que dans leur discussion, les auteurs indiquent que si cet effet avait été obtenu dans le cadre d’un essai clinique randomisé, l’étude aurait dû être interrompue à cause des effets trop délétères observés dans le groupe d’étudiants ayant seulement reçu des cours magistraux. Cette étude souligne que cet effet est observé peu importe le type d’éducation active et que cela profite davantage aux jeunes provenant de milieux les moins favorisés.

Les enseignements magistraux ne sont donc pas les mieux adaptés pour favoriser l’apprentissage.

Confucius avait donc raison quand il disait « Plus le maitre enseigne, moins l’élève apprend ». Je trouve fascinant que l’on soit maintenant capable de le prouver de manière scientifique et j’ai hâte que ces informations soient partagées largement auprès des instances décisionnaires et de la communauté éducative en général.

Rien de tel donc pour éteindre la curiosité d’un enfant ou d’un élève que de le mettre face à un enseignant (un « sachant ») qui va transmettre de manière magistrale les informations qui lui semblent importantes.

Au contraire, pour favoriser l’apprentissage, l’enseignant devrait :

  • rendre l’enfant acteur de son éducation,
  • favoriser un environnement qui lui permette de faire des découvertes, qui attise sa curiosité,
  • récompenser systématiquement la curiosité et non la décourager.

Autant de conditions qui sont bien peu souvent réunies dans les écoles actuelles. Mais le vent tourne et de nombreux enseignants prennent conscience de ces nouvelles données et les appliquent de plus en plus dans leurs classes. En tant que parents, on peut également informer les professeurs de notre entourage de l’existence de ces études et les encourager à modifier leurs méthodes.

 

Références

(1) Bonawitz E., Shafto P., Gweon H., Goodman N.D., Spelke E., and Schulz L. The Double-edged Sword of Pedagogy: Instruction limits spontaneous exploration and discovery. Cognition. 2011 September ; 120(3): 322–330

(2) Freemana S., Eddya S. L., McDonougha M.,  Smith M. K., Okoroafora N., Jordta H. and Wenderotha M. P. Active learning increases student performance in science, engineering, and mathematics. PNAS. 2014 June 111 (23) 8410–8415.

Cours de Stanislas Dehaene « L’engagement actif, la curiosité et la correction des erreurs ».

Pourquoi nos enfants ne sont pas « assez » attentifs ? et pourquoi c’est normal…

Une des erreurs les plus courantes des parents ou des personnes en charge de l’éducation des enfants (y compris ceux qui rédigent les « programmes scolaires ») est à la fois de surestimer les capacités cognitives des jeunes enfants en les considérant comme des mini-adultes et de les sous-estimer en les considérant comme des êtres à « remplir » de savoir par toutes sortes de méthodes de « stimulation ».

Ces deux erreurs sont sources de beaucoup d’incompréhension et de souffrance chez les enfants et les parents. Je vous propose aujourd’hui de nous pencher sur notre propension à surestimer les capacités d’attention de nos enfants et je reviendrai prochainement sur l’importance de connaitre la capacité naturelle et phénoménale d’apprentissage des enfants, dès leurs premiers mois de vie.

Commençons donc par l’attention.

Souvent les parents ou les enseignants se plaignent d’enfants qui ne sont pas assez attentifs, qui ne voient pas toutes les informations écrites au tableau, auxquels il faut répéter une même instruction plusieurs fois avant qu’elle ne soit appliquée.

Moi-même, j’ai plusieurs fois été agacée lorsque ma fille, au lieu de faire simplement ce que je lui demande (par exemple s’habiller) prend son t-shirt, le pose sur ses genoux comme pour l’enfiler puis remarque un détail sur le vêtement et commence à en discuter ou alors s’intéresse tout à coup à un objet à proximité.

En tant qu’adulte, j’ai souvent eu du mal à comprendre pourquoi, au lieu de se concentrer 5 minutes sur une tâche aussi simple que l’habillage -pour pouvoir vite aller jouer ou explorer toutes ces autres choses qui attirent son attention- elle fait trainer les choses en s’interrompant toutes les 2 minutes. Cela semble si peu efficient ! Mais penser ainsi c’est oublier que les enfants vivent dans le moment présent et il est très difficile pour eux de concevoir la notion d’efficience ou de se projeter dans le futur. Le présent est une source immense de découvertes pour eux, et ils saisissent chaque opportunité pour remarquer ou apprendre quelque chose. Et ceci est génétiquement codé dans leur nature. Aucune remontrance de parent ne pourra aller contre cette nature car l’évolution (et il y a bien des raisons pour cela) a créé des êtres curieux et non des êtres obéissants au doigt et à l’œil.

Différentes études scientifiques m’ont bien aidée à comprendre que ma fille ne niaise pas pour me faire enrager mais qu’elle a une capacité d’attention limitée et, comme tous les enfants de 4 ans, une très grande propension à se laisser divertir.

En fait, l’attention sélective – qui permet de sélectionner une information pertinente et de se concentrer dessus en essayant d’oublier les autres – siège dans une partie du cerveau que l’on appelle le cortex préfrontal, situé, comme son nom l’indique, derrière notre front. Cette région est très importante, elle est le siège du contrôle attentionnel, de la prise de décision, de l’inhibition et de beaucoup d’autres fonctions telles que la résolution de problèmes. C’est une structure que nous, les adultes, nous utilisons énormément et qui nous permet par exemple de prendre les bonnes décisions dans beaucoup de situations du quotidien.

Malheureusement pour nous parents et éducateurs impatients, cette structure est la dernière à être totalement fonctionnelle et mature chez l’enfant. La maturation de cette région, n’est pleinement atteinte que vers 20 ans. Cela explique de nombreux comportements que l’on observe chez l’enfant et l’adolescent : la prise de risques, la difficulté à gérer ses émotions, à inhiber les comportements non pertinents ou non appréciables ou tout simplement à être « raisonnable ».

 

Alors la prochaine fois que vous demanderez à votre enfant d’être « raisonnable », rappelez vous qu’il en est physiquement incapable ou en tout cas que ses capacités sont très loin des vôtres. Il vaut mieux avoir des attentes plus réalistes et surtout lui apporter un environnement qui va lui permettre de mieux faire murir son cortex préfrontal et affiner ses capacités d’attention et de raisonnement.

L’une d’elle a été citée de manière très clairvoyante par Maria Montessori. Si vous avez l’occasion de lire l’un de ses ouvrages, vous verrez qu’elle insiste sur la nécessité de ne pas surcharger les murs des chambres ou des classes des enfants et conseille de garder au minimum les dessins, posters, photos. Ceci vise à limiter les sources de distraction et à favoriser la concentration des enfants.

Il a été montré que le cerveau humain, et celui des enfants encore plus, n’est pas capable de traiter de manière parfaitement simultanée deux informations. Ainsi si deux informations arrivent en même temps, il est probable que l’une d’elles soit tout simplement ignorée.

Pour vous monter à quel point il est facile de surestimer l’attention, je vous propose de regarder cette vidéo :

Vous verrez que même si l’on croit être attentif, il est extrêmement difficile de noter tout ce qui se passe dans notre environnement. Notre cerveau va sélectionner les informations qui lui paraissent les plus pertinentes et ignorer les autres.

Alors pensez à vos enfants comme à vous après avoir vu cette vidéo, il ne s’agit pas d’une question de volonté ou d’intelligence mais tout simplement des limites inhérentes à nos capacités attentionnelles.

Alors comment rendre pertinentes les informations que l’on veut que nos enfants retiennent ou, du moins, remarquent?

Des études ont montré que ce qui est très important pour qu’un enfant prête attention à une information ou à un apprentissage que l’on veut transmettre, c’est l’établissement d’une relation un à un avec lui via notamment le contact visuel (également appelé « indice ostensible de communication »).

Regarder un enfant dans les yeux au moment où on lui parle va incidemment lui faire comprendre que ce qu’on dit ou fait est important pour lui et son développement. Cela paraît si évident, mais si facile à oublier au quotidien !

La science a permis de prouver avec de très jolies expériences que cette intuition que tout parent pourrait avoir « je te regarde dans les yeux pour que tu m’écoutes » est fondamentalement ancrée dans le processus de développement de l’enfant.

 

Je vous en montre une ici (Egyed et al., 2013) qui consiste à placer un enfant de 18 mois face à 2 objets distincts.

 

Tiré de Egyed K. et al., Communicating Shared Knowledge in Infancy, (2013). Psychological Science, 24(7) 1348–1353

Une personne (appelons la Marie) prend place en face de lui, sans rien dire. Marie va regarder avec envie un des 2 objets et avec dégout l’autre objet. Puis une autre personne (appelons la Anne) va remplacer Marie et tendre la main. L’enfant comprend qu’il doit lui montrer un des 2 objets.

On remarque que si juste avant de regarder les objets, Marie a regardé l’enfant dans les yeux, dans la plupart des cas, l’enfant va montrer à Anne l’objet qui faisait envie à Marie (première ligne de la photo).

Cependant si au début de l’expérience, Marie n’a pas établi de contact visuel avec l’enfant, lorsqu’Anne arrive, l’enfant va la plupart du temps lui montrer l’objet qui n’intéressait pas Marie (deuxième ligne de la photo). Mais si c’est Marie qui vient se mettre face à lui, alors il va lui montrer l’objet qui lui faisait envie (troisième ligne de la photo).

Que se passe-t-il dans la tête de cet enfant de 18 mois ?

En fait, l’enfant utilise le contact visuel comme un indice pour déterminer ce qui est généralisable ou pas. Quand Marie le regarde, l’enfant comprend qu’on lui montre une règle « universelle », un objet qui est « bon », « désirable ». Il va donc le considérer « bon » quelles que soient les circonstances et peu importe qui le lui demande. Cependant en l’absence de contact visuel initial, l’enfant observe juste la préférence de Marie. Ainsi il comprend ce qu’elle veut mais ne le généralise pas aux autres personnes.

Cet « indice ostensible de communication » l’aide à comprendre ce qui est important et qui doit être retenu et généralisé.

Quel mécanisme astucieux !

Il existe de nombreux autres études fascinantes portant sur l’attention de l’enfant mais l’essentiel est de se souvenir que sa capacité d’attention est bien inférieure à la nôtre et que l’on doit absolument éviter de divertir son attention en lui demandant de faire ou d’écouter deux choses à la fois ou en laissant trainer trop de stimuli visuels ou auditifs. Il faut aussi se souvenir de l’importance du contact un à un et de le regarder dans les yeux quand on lui parle car cela l’aide à mieux assimiler ce que l’on veut lui transmettre.

Si vous voulez allez plus loin, je vous conseille le cours en ligne de Stanilas Dehaene : Cours numéro 2, « L’attention et le contrôle exécutif »

Si vous voulez à nouveau « tester » votre attention, vous pouvez aller voir la vidéo suivante  :

https://www.youtube.com/watch?v=vJG698U2Mvo

Qu’est-ce qu’une école démocratique ?

J’ai découvert l’existence des écoles démocratiques, il y a environ 2 ans en tombant par hasard sur un article de Ramïn Farhangi qui a fondé l’École Dynamique à Paris et qui expliquait comment l’idée de créer une telle école lui était venue.

À l’époque, je ne m’étais jamais vraiment posée la question du type d’école que je souhaitais offrir à mes enfants. L’école classique me semblait être un gage de confiance.

Si ce modèle nous est proposé (imposé?) par le gouvernement, c’est qu’il doit reposer sur de bonnes bases scientifiques. Ce type d’école a dû faire ses preuves et de toute façon, je m’en suis quand même bien sortie, alors pourquoi se compliquer la vie ?

Mais cet article et les lectures qui ont suivi sur le sujet ont totalement changé ma façon de penser l’éducation, l’enfance, la réussite et le bonheur. Je suis tellement reconnaissante d’avoir appris l’existence de cette autre façon de concevoir l’enfance et l’éducation que je souhaite à chacun de pouvoir au moins en entendre parler pour être sûr de faire des choix éclairés. Il n’y a, à mon avis, rien de pire que de continuer son chemin, tête baissée sans savoir qu’une autre voie est possible.

 

Alors voilà, je vais vous donner un petit aperçu de ce que j’ai appris sur les écoles démocratiques au cours de mes recherches. Mon but est de répondre aux premières questions qui nous viennent quand on découvre ce type d’école :

Qu’est-ce qu’une école démocratique? En quoi est-ce différent d’une école classique? Est-ce qu’il en existe plusieurs types? Comment fonctionnent-elles? Qu’apprennent les enfants dans ces écoles ? Et surtout, les enfants qui sortent de là sont-ils heureux et arrivent-ils à exercer le métier de leurs rêves?

 

Qu’est-ce qu’une école démocratique ?

Il n’y a pas de définition officielle de ce qu’est une école démocratique mais il existe de grands principes généraux sur lesquels reposent la plupart des écoles démocratiques existantes.

Il s’agit donc d’écoles dans lesquelles les apprentissages ne sont pas dictés par un programme d’État ou par les adultes mais sont librement choisis par les enfants. Dans ces écoles, chaque enfant est considéré comme un individu ayant autant de droits et de devoirs que les adultes. Le principe fondateur de ces écoles repose sur l’idée que la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen s’applique à tout être humain quelque soit son âge. Il est donc important de respecter les choix des enfants. On passe donc d’une perspective où l’adulte est considéré comme celui qui sait et l’enfant celui qui doit apprendre -modèle à la base des écoles classiques- au modèle où enfants et adultes peuvent apprendre les uns des autres et où l’adulte fait confiance à l’enfant pour déterminer ce qui est bon pour lui en terme d’apprentissage.

Ceci repose sur le concept du self-directed learning, l’apprentissage auto-dirigé ou librement choisi. Ce modèle, supporté par de nombreuses publications scientifiques, démontre que les enfants sont doués d’une immense capacité d’apprentissage naturelle et que celle-ci est maximale lorsque l’enfant choisi lui-même ses centres d’intérêt, qu’il est porté par sa propre curiosité et son enthousiasme.

Une école démocratique est donc une école où les enfants ont autant de droit que les adultes et où les enfants déterminent eux-mêmes ce qu’ils veulent apprendre ainsi que quand, où et comment ils vont l’apprendre.

 

En quoi cela diffère-t-il des écoles classiques ?

Au-delà de l’absence de programme imposé, il y a d’autres aspects qui diffèrent des écoles classiques. Dans les écoles démocratiques, les enfants de tout âge sont mélangés afin de faciliter l’entraide et l’empathie. Il n’y a pas de notation, de contrôle ou de devoirs. L’autonomie est fortement encouragée en laissant l’enfant prendre ses décisions et ses initiatives.

Les enfants sont libres de jouer pendant autant de temps qu’ils le veulent.

La plupart du temps, ils sont encouragés à jouer dehors, à découvrir la nature. Les enfants se concertent avec les adultes et votent pour établir les règles de l’établissement.

Les enfants sont encouragés à trouver et suivre leurs centres d’intérêt. S’ils ont besoin d’un support matériel ou humain, ils peuvent en faire la demande. Dans la plupart des écoles, les enfants sont exposés à de nombreuses activités auxquelles ils peuvent choisir de prendre part ou non. Ils ont souvent à disposition des ateliers d’arts plastique, une menuiserie, des salles de musique ou d’informatique. Si un enfant veut faire un apprentissage particulier, il pourra chercher au sein de la communauté une ressource (enfant ou adulte) pour l’aider. L’importance de la bienveillance et de la coopération est souvent soulignée, même si cela peut être également le cas dans de nombreuses écoles classiques.

 

Est-ce qu’il en existe plusieurs types?

Il existe plus de 200 écoles démocratiques dans le monde, reposant sur différents modèles. La plus ancienne est la «  Summerhill School » fondée en 1921 en Angleterre par A.S Neill. Elle a fait l’objet de nombreux ouvrages et documentaires passionnants. Une des plus connues est la « Sudbury Valley School » fondée par Daniel et Hannah Greenberg aux USA, près de Boston, en 1968. Il existe aujourd’hui des écoles fondées sur ces 2 modèles et également des écoles qui ont employées d’autres approches, par exemple les Agile learning Centers . Ces écoles peuvent différer par de nombreux aspects (que je détaillerai dans un prochain article), mais reposent toutes sur les principes définis précédemment. Les différences peuvent être liées par exemple au type de relation existant entre les adultes (ou facilitateurs) et les enfants (les adultes pourront plus ou moins proposer des activités ou simplement rester à la disposition des enfants en cas de besoin), l’organisation des journées (avec ou non des moments de rassemblements imposés), la façon de résoudre les conflits et de « punir » les comportements délictueux (avec des cercles restaurateurs, des conseils de médiations, des sortes de tribunaux ou des commissions judiciaires), la possibilité ou non d’offrir des cours magistraux aux enfants.

 

Comment fonctionnent-elles?

Il s’agit la plupart du temps d’écoles privées car non reconnues et non soutenues par les États. Elles sont donc payantes, ce qui les rend évidemment moins accessibles à tous. Certaines écoles ont fait le choix d’une facturation selon les revenus des parents. Certaines écoles permettent aux parents de payer les frais de scolarité sur une base volontaire et confidentielle (comme ici en Allemagne), en fonction du budget annuel de l’école. Si cette première offre volontaire n’est pas suffisante pour atteindre l’équilibre, alors on demandera aux parents de faire un effort supplémentaire jusqu’à atteindre l’équilibre.

À la Sudbury School, une fois par an, le conseil d’école, composé de l’ensemble du personnel éducateur-accompagnateur et de l’ensemble des élèves, quelque soit leur âge, vote pour embaucher, licencier ou reconduire chaque membre du personnel. Dans d’autres écoles, comme Summerhill l’embauche du personnel n’est en revanche pas gérée par le Conseil d’école.

Dans de nombreuses écoles, il y a des moments de rassemblements quotidiens, des causeries matinales.

Dans les Agile Learning Centers, les enfants assistent, tous les matins à des réunions lors desquelles, ils vont exposer ce qu’ils vont vouloir faire dans la journée et comment ils comptent s’y prendre. La journée finit par une nouvelle courte réunion lors de laquelle, ils reviennent sur ce qu’ils ont faits, discutent des éventuelles difficultés qu’ils ont rencontrées afin de trouver des solutions ensemble.

Les conflits sont gérés lors de réunions hebdomadaires, souvent à l’aide d’outils basés sur la communication non violente.

Les enfants apprennent très tôt à communiquer leurs émotions et à expliquer leurs problèmes.

Dans certaines écoles, des ateliers ou cours à horaire régulier vont être proposés. Par exemple des cours de maths ou de langue. Dans ce cas, les enfants peuvent choisir ou non de s’y rendre.

Il existe souvent un tableau des « je cherche / je propose ». Toute personne peut y inscrire les activités qu’elle veut proposer (ex : je peux donner des cours de jardinage, de programmation informatique, de tricot) ou qu’elle cherche à entreprendre (ex : j’aimerais apprendre le coréen, le taekwondo). Les enfants sont ainsi amenés à un faire un travail d’introspection pour savoir ce qui leur plait et ce qu’ils ont envie de faire et comment ils peuvent y arriver.

 

Qu’apprennent les enfants qui vont dans les écoles démocratiques ? Sont-ils heureux? Arrivent-ils à exercer le métier de leurs rêves?

J’imagine qu’une partie d’entre vous se demande déjà quel enfant va vouloir apprendre les maths, la physique, la géographie si on ne le lui impose pas.

Et bien les résultats montrent que la plupart des enfants vont faire de nombreux apprentissages dans toutes ces matières de manière incidente grâce à leurs propres découvertes et centres d’intérêt. Ces apprentissages, réalisés au cours d’expériences concrètes, vont être beaucoup plus durables et profonds que des apprentissages théoriques imposés.

Un des membres de l’école Sudbury explique par exemple comment elle a été surprise de constater que son fils qui avait été à la Subdury School avait acquis des notions de grammaire (par ex ce que sont les adverbes et les pronoms) sans jamais les avoir étudier formellement mais simplement en jouant au scrabble et en cherchant des mots dans le dictionnaire. Ils peuvent aussi par exemple apprendre les mathématiques et la géométrie en réalisant des objets en bois ou en cuisinant.

Ainsi, en plus d’apprentissages incidents dans les matières classiques, les enfants acquièrent des compétences très importantes pour leur vie future et qui vont en faire des jeunes adultes un peu différents des jeunes passés par un cursus classique. Ils apprennent à faire preuve d’esprit critique, de créativité, à communiquer de manière non violente, à exprimer leurs idées, exposer leurs projets, ils apprennent la coopération, l’éthique, le sens des responsabilités, l’autonomie, le respect des autres, l’empathie, le plaisir de profiter de la nature et d’être physiquement actif dehors.

Ce qui revient dans tous les témoignages de personnes ayant visité ces écoles, c’est le bonheur et l’enthousiasme qui émane de ces enfants qui sont fondamentalement heureux d’aller à l’école tous les jours.

Les enfants, qui, à l’issu de leur scolarité, veulent passer un examen d’entrée à une université, peuvent se préparer en prenant des cours académiques additionnels. Grâce à leur motivation intrinsèque, ils sont en général capables de se mettre à niveau très rapidement.

Tous les rapports évaluant (voir notamment ici ) le devenir de enfants scolarisés dans les écoles démocratiques montrent que la plupart ont réussi à poursuivre des études supérieurs si c’était leur choix, à obtenir les diplômes qu’ils voulaient et à exercer le métier qu’ils souhaitaient. La plupart des grandes universités accueillent très favorablement ces étudiants passionnés qui postulent non pas par obligation mais qui font le choix d’apprendre.

Ces écoles forment donc des jeunes enfants créatifs, capables de s’adapter aux changements de la société, de résoudre leurs problèmes par eux-mêmes et de poursuivre leur rêves.

 

Qu’en pensez-vous ? Seriez-vous prêts à opter pour ce genre d’école si vous en aviez une à proximité ?

Les 7 raisons pour lesquelles je n’enverrai pas ma fille dans une école classique

Ma fille vient d’avoir 4 ans et devra officiellement entrer à l’école, pour son premier jour de maternelle dans 564 jours, soit 1 an, 6 mois et 18 jours. Plus le moment où je vais devoir mettre ma fille à l’école approche, plus je lis et me documente sur les différents modes d’éducation existants et plus je prends conscience, que non, définitivement, je ne pourrai pas mettre ma fille dans une école classique pour ses 10 prochaines années.

Je vais vous expliquer pourquoi en 7 raisons, toutes soutenues par les dernières découvertes scientifiques notamment en sciences cognitives et qui seront détaillées davantage dans les prochains articles.

 

Raison numéro 1 : les apprentissages devraient être dirigés par l’enfant

C’est ce que l’on appelle le self-directed learning. Ce sont les scientifiques qui nous le disent (Peter Gray, Stanislas Dehaene, Céline Alvarez, et bien d’autres), les ingrédients indispensables à tout apprentissage sont la motivation, la curiosité et l’enthousiasme. Avez-vous déjà essayé (hormis à l’école) de retenir une information qui ne fait aucun sens pour vous et que vous êtes certain de ne jamais utiliser dans votre vie quotidienne ?

Le cerveau est ainsi fait, pour maximiser l’utilisation de ses ressources, il va vous permettre de consolider très facilement ce qui lui parait le plus utile et intéressant pour vous. Cela signifie qu’un contenu qui ne vous parait pas clair, qui semble n’avoir ni queue ni tête sera extrêmement difficile à retenir.

Cela explique pourquoi votre voisin, passionné par l’histoire de l’Égypte antique peut facilement retenir le nom de toutes les dynasties de pharaons alors qu’il est incapable de retenir un seul des noms de joueurs de votre équipe préférée de hockey. C’est un fait, pour apprendre efficacement, il faut être motivé par le sujet.

 

Pour qu’un enfant puisse faire des apprentissages durables, il y a quelques règles :

  • laisser l’enfant choisir ce qu’il veut apprendre selon ses centres d’intérêt,
  • ne pas lui mettre de pression sur le rythme d’apprentissage et le résultat attendu,
  • le laisser choisir ses propres défis,
  • le laisser se plonger dans ces apprentissages aussi longtemps qu’il le souhaite sans l’interrompre.

 

Raison numéro 2 : il est ESSENTIEL de respecter le rythme d’apprentissage de chacun

Les études menées sur l’école démocratique Sudbury, ont montré que des enfants âgés de 9 à 12 ans qui avaient décidé d’apprendre l’arithmétique, étaient capables d’assimiler en 20 semaines, les notions que les « élèves » sont censés acquérir en 6 années dans les écoles classiques, où les apprentissages sont imposés selon un emploi du temps identique pour tout le monde, avant même que les enfants s’y intéressent. Il y a un bon moment pour chaque apprentissage.

On le sait, certains bambins vont d’abord développer le langage, d’autres la marche. Les mêmes règles sont valables chez les enfants d’âge scolaire. Essayer d’imposer la lecture à un enfant qui n’est ni prêt ni intéressé, revient à un imposer le petit pot à un enfant de 2 ans et demi, qui est théoriquement en âge d’apprendre la propreté, mais qui, s’il n’est pas prêt, va juste se braquer voire régresser sans donner les résultats attendus par ses parents impatients de se débarrasser des couches.

L’enfant peut venir à la lecture de manière douce et non imposée, mais cela demande beaucoup de patience et une immense confiance en son enfant. Le résultat en vaut tellement la peine ! Les enfants, lorsqu’ils sont prêts, peuvent apprendre à lire parfaitement en quelques semaines, alors que certains, ayant subi tellement de pression sortiront du primaire, avec des difficultés telles qu’ils seront proches de l’illettrisme.

Se rappeler que chaque enfant a son propre rythme et ses propres intérêts, c’est respecter son enfant en tant qu’individu, lui faire confiance et lui donner les meilleures chances de réussir.

 

Raison numéro 3 : les enfants ne devraient pas être regroupés par année de naissance

La lubie de séparer les enfants par année de naissance est une idée récente qui ne repose sur aucune base scientifique. Depuis la nuit des temps, les enfants apprennent au contact d’une communauté de personnes d’âges divers : grands-parents, oncles, tantes, cousins, voisins, etc.

Il a été montré (voir de multiples références dans le chapitre 9 du livre « Libre pour apprendre » de Peter Gray) que dans les écoles qui mélangent des enfants d’âges différents (souvent de 5 à 12 ans) et encouragent la bienveillance, la dynamique entre les enfants est totalement différente de celle des écoles classiques. Les enfants plus âgés apprennent l’empathie et consolident leurs apprentissages au contact des plus jeunes. Ils s’entre-aident et sont autant de soutiens supplémentaires pour leurs pairs. Il y a, de ce fait, beaucoup moins de pression sur les adultes référents. Au contact des plus grands, les enfants sont exposés à de nouvelles découvertes et vont faire de nombreux apprentissages de manière naturelle et autonome. En voulant imiter leurs ainés, ils se lancent de nouveaux défis, dans une sorte d’émulation positive, sans l’aspect compétitif qui peut être source de beaucoup de stress. Il a été montré qu’il y avait beaucoup moins de harcèlement dans les écoles qui ne séparent pas les enfants par classe d’âge et que les enfants du monde entier font preuve de davantage d’empathie et de gentillesse envers les enfants ayant au moins 3 ans de moins qu’eux. Enfin, le regroupement totalement artificiel par année de naissance ne leur apprend en rien ce que sera leur « vraie vie’ d’adulte.

 

Raison numéro 4 : le système de notation est contreproductif

Les scientifiques le disent : le cerveau apprend par essai et erreur. Pour qu’un apprentissage se fasse, il faut essayer quelque chose, voir le résultat et s’auto-corriger jusqu’à obtenir le résultat attendu. Pour que cela fonctionne, il y a 3 règles de base :

  • on ne doit pas avoir peur de faire des erreurs
  • on doit se fixer ses propres objectifs
  • on doit pouvoir évaluer soi-même (et immédiatement) si notre stratégie a été efficace, idéalement sans l’intervention d’un tiers.

Toute autre forme d’évaluation, mettant les enfants en compétition pourra fonctionner pour les enfants particulièrement adaptables mais va décourager la plupart des autres et va aussi les empêcher de vraiment prendre en main leurs propres apprentissages.

Les enfants deviennent passifs et attendent qu’on leur dise si ce qu’ils font est bien ou non. La compétition et l’humiliation engendrées par les systèmes de notation font des dommages parfois irrémédiables à l’estime de soi des enfants (voir les articles de Catherine Guéguen). Il est essentiel de ne pas mettre les jeunes enfants dans des situations où ils se sentiront dévalorisés. Leur estime de soi est en train de se construire, il est alors essentiel de valoriser les efforts, la persévérance sans poser un « diagnostic » ex « tu es nul », « tu es le denier de la classe ».

 

 Raison numéro 5 : les devoirs à la maison sont inutiles

Après une journée d’école, les enfants à qui l’ont a imposé des apprentissages n’ont qu’une idée en tête : jouer et enfin (!) faire ce qui leur plait. Et c’est bien compréhensible. Vouloir leur imposer une heure de devoirs, c’est tout simplement leur enlever l’occasion de se défouler, d’apprendre (enfin!) par le jeu des choses qui les intéressent vraiment. Soyons honnêtes, le moment des devoirs à la maison est un calvaire pour tout le monde. Les parents, se sentant responsables de bien suivre les devoirs de leurs enfants, se mettent souvent la pression. Il faut ruser, marchander pour obtenir d’eux les précieuses minutes d’attention pour finir ces devoirs. Et si, on passait ce même temps, détendus à jouer avec eux, ne risqueraient-ils pas d’apprendre davantage ?

Non je n’accepterai pas d’imposer cette torture à ma famille. Tout simplement parce qu’elle part d’un mauvais constat : si les enfants avaient la possibilité d’appliquer leurs apprentissages dans des activités qui leur plaisaient vraiment, ils consolideraient leurs apprentissages de manière si efficace, qu’il n’y aurait aucun besoin de rajouter des devoirs le soir.

Ceci nous mène à la façon dont les apprentissages sont amenés par l’école.

 

Raison numéro 6 : les enfants apprennent par le jeu et l’expérimentation

Tous les spécialistes le disent, les enfants apprennent par le jeu. Seulement il semble que cette vérité, largement acceptée au Québec, pour la petite enfance, soit complètement oubliée ou ignorée dès que l’enfant entre à l’école. D’un coup, on doit croire que le meilleur vecteur de l’apprentissage est le rabâchage d’informations par un adulte ? Pourquoi ce changement soudain (#peur de l’échec scolaire) ? Il n’y a aucune raison pour que ce qui est vrai à 5 ans ne le soit plus à 7.

Les enfants sont naturellement câblés pour apprendre par le jeu et surtout par l’expérience (voir cet article en anglais et plus généralement les chapitres 6 à 8 du livre «Libre pour apprendre » de Peter Gray). Ceci fait partie inhérente de leur nature profonde.

Pour apprendre, ils doivent pouvoir utiliser tous leur sens, pouvoir toucher, regarder, expérimenter. Ils apprennent par ce qui est concret. Leur demander de retenir des notions abstraites sans lien direct avec ce qui les entoure est tout simplement contre leur nature. Les écoles qui ont adopté l’éducation par « projets » l’ont bien compris. Mais est-ce suffisant ? Si cela vous intéresse, je vous invite à lire les livres de Maria Montessori qui explique parfaitement ces notions.

 

Raison 7 : les cours d’école ressemblent à des prisons

Au nom de la sécurité et du risque 0, tous les arbres, plantes et pelouses ont été retirés des cours de récréation. Les enfants sortent donc pendant leurs courtes récréations dans des cours de béton où tout est gris et uniforme. Or, explorer son environnement naturel est indispensable au développement de l’enfant.

De nombreuses études ont montré que le fait de grimper aux arbres par exemple peut aider au développement moteur, mais également leur développement émotionnel (via l’évaluation des risques) et contribue même à améliorer certaines capacités cognitives comme la mémoire de travail, qui nous permet de retenir une information pendant un cours laps de temps (voir cet article en anglais).

On a largement sous-estimé l’importance de permettre aux enfants d’explorer librement la nature. Ils y trouvent une infinité de possibilités de découvertes, de jeux et d’apprentissages bien plus stimulants que les jeux vidéos ou les programme télévisés. Cela leur permet également de se défouler et de vider leur trop plein d’énergie. Les enfants devraient, dans un monde idéal, pouvoir se promener dans un parc arboré ou mieux dans une forêt chaque jour, aussi longtemps que nécessaire.

 

Alors ceux qui sont arrivés au bout de cet article, sont en droit de se demander, ce que, finalement, je vais faire de ma fille : la mettre dans une école alternative? Une école démocratique? Faire l’école à la maison ou encore me convertir au unschooling?

À vrai dire, rien n’est décidé.

Je vous invite à m’accompagner sur le chemin de la réflexion. Quelle éducation rêvons nous de donner à nos enfants ? Les sciences cognitives peuvent-elles nous aider à faire des choix éclairés ?

Si toutes ces questions vous intéressent, je vous invite à me suivre et à vous inscrire ici, pour recevoir mes prochains articles.

À bientôt !